Le 3 mai 1803, Napoléon Bonaparte cède la Louisiane aux États-Unis d’Amérique pour 80 millions de francs. Cette possession ne se limitait pas, loin de là, à l’État que l’on connaît aujourd’hui. Elle s’étendait du Canada au golfe du Mexique, des Rocheuses au Mississippi, soit l’équivalent d’un tiers des actuels États-Unis. La Louisiane et la France, c’est une vieille histoire qui nous conduit à notre timbre à l’effigie de René-Robert Cavelier de La Salle.
Dessiné et gravé par Albert Decaris – 1982
Né à Rouen en novembre 1643 dans une famille de riches négociants, René-Robert rejoint son frère, prêtre sulpicien à Montréal, en Nouvelle-France. Notre homme rêve d’explorer la Chine et tente de l’atteindre par les Grands Lacs canadiens, ce qui l’on conviendra n’est pas le chemin le plus court ! En juillet 1667, La Salle, qui ne veut « laisser à un [aucun] autre l’honneur de trouver le chemin de la mer du Sud et par elle celui de la Chine », recrute une vingtaine d’hommes et prend la route de l’Ohio. Ce sera un échec mais il lui en faut davantage pour être découragé. Celui qui parle la langue des Iroquois retourne en France en mai 1678. Il obtient du roi Louis XIV des lettres patentes lui donnant le « privilège de découvrir la partie occidentale de l’Amérique ».
L’année suivante La Salle atteint avec une trentaine d’hommes les chutes du Niagara puis explore le lac Michigan. Il fonde le fort Miami à l’embouchure de la rivière du même nom, au sud-est du lac, puis le fort Crèvecœur, dans le pays des Indiens illinois, à l’emplacement de l’actuelle ville de Peoria.
Il veut aller toujours plus loin et ce sont une cinquantaine de personnes qui se destinent à une nouvelle expédition dont dix-huit Indiens. Elle s’élance du fort Miami le 16 décembre 1681 puis longe le lac Michigan, les rivières de Chicago et des Illinois, encore gelées. Elle atteint le 6 février 1682 le Mississippi puis en avril de la même année le golfe du Mexique. Revêtant un manteau écarlate galonné d’or, La Salle fait dresser une croix en bois ainsi qu’un poteau avec une plaque de cuivre décorée de deux lys et sur laquelle est inscrit : « Louis le Grand, Roy de France et de Navarre, règne le 9e avril 1682 ». La France prend ainsi possession de « la Louisiane, mers, havres, ports, baies, détroits adjacents et de toutes les nations, peuples, provinces, villes, bourgs, villages, mines, minières, pèches, fleuves, rivières compris dans l’étendue de ladite Louisiane. »
Dessiné et gravé par J. Gauthier – 1973
De retour en France l’explorateur n’est pas bien accueilli par le Roi-Soleil qui ne sait que faire de la Louisiane. Il hésite à l’occuper, craignant de disperser ses forces. Il juge l’annexion « fort inutile » mais se laisse convaincre d’établir une colonie de peuplement à l’embouchure du fleuve.
La Salle revient en Louisiane en 1684 accompagné de 288 personnes, dont une centaine de soldats, six religieux, une douzaine de femmes, quelques enfants et deux neveux de l’explorateur. Obstiné, infatigable, il repart, dépasse le delta du Mississippi sans le savoir, pas bien loin de l’actuelle ville de Houston. Ses hommes sont usés, malades et commencent à ne plus supporter la brutalité de La Salle. Le chef demeure sur place avec environ 180 personnes. La Salle passe encore plus d’une année à chercher le Mississippi tandis que la colonie fond à vue d’œil : conditions de vie insalubres et attaques d’Indiens font partie du quotidien. La Salle décide d’aller chercher du secours en Nouvelle-France, au nord du continent nord-américain. C’en est trop et ses compagnons, exténués et fatigués par ce chef impitoyable, l’attirent dans une embuscade et le tuent le 19 mars 1687. Les survivants, au nombre de sept, rejoignent fort Saint-Louis. La Louisiane sera colonisée à la fin du règne de Louis XIV, à l’initiative de Pierre Le Moyne d’Iberville, un explorateur natif de Montréal.
Après bien des vicissitudes et rebondissements, Napoléon Bonaparte cède la Louisiane aux États-Unis d’Amérique le 3 mai 1803.
Dessiné et gravé par Claude Haley – 1969
Aujourd’hui encore vivent en Louisiane les ultimes témoins de la présence française. Il s’agit de descendants de Français du Canada qui s’étaient établis à l’embouchure du Mississippi pour fuir l’oppression anglaise. Ils sont quelque 250 000 appelés « Cadiens » en référence au mot Acadien qui désigne les habitants de l’Acadie, une terre du Canada. La plupart sont de modestes pêcheurs de crevettes ou d’écrevisses établis dans les marécages du delta.