Les multiples vies de Vidocq

Cela pourra surprendre mais la police est une création française. Cette institution va essaimer à travers le monde, y compris aux États-Unis.

La police de ce pays (aujourd’hui la plus célèbre du monde avec le FBI) a des origines françaises puisqu’elle fut fondée en 1908 par Charles Bonaparte, petit-neveu de Napoléon Ier qui se maria lors de son exil aux États-Unis et y restera. Charles sera même ministre de la Justice. La France restera longtemps un modèle à suivre grâce aux perfectionnements réguliers qu’elle apporte aux techniques policières.

Dessiné par Serge Hochain et mis en page par Jean-Paul Cousin – 2003

Venons-en à l’histoire d’un policier célèbre, un dénommé François Vidocq.

Il naît à Arras dans la nuit du 23 au 24 juillet 1775. La sage-femme qui aide sa mère à le mettre au monde, alors qu’un terrible orage éclate, déclare que l’enfant aura une vie agitée. Elle ne se trompera pas, comme on va le voir. Le jeune François a une adolescence compliquée. C’est un bagarreur, qui apprécie un peu trop la compagnie des filles et se révèle un voleur qui met la main dans la caisse de la boulangerie paternelle. Son père le fait enfermer dix jours dans une prison, ce sera son premier séjour et il y en aura beaucoup d’autres pour ce voleur compulsif ! Il parviendra souvent à s’échapper au point qu’on le nommera le roi de l’évasion. À la fin de l’année 1796 après avoir réalisé un faux ordre de mise en liberté, il est condamné à huit ans de bagne à Brest. Huit jours plus tard, il s’échappe avant d’être rattrapé puis il récidivera ensuite au bagne de Toulon. Vidocq a plus d’un tour dans son sac pour se faire la belle. Le plus souvent, il se déguise en matelot ou en chirurgien, ou encore profite d’un convoi funéraire pour sortir du périmètre de détention. Il faut dire que durant sa jeunesse il était un artiste, lui qui fut un temps acrobate de cirque puis marionnettiste.

Après bien des années de vols, de bagarres et d’escroqueries en tous genres, notre homme est fatigué. En 1809, Il offre ses services à la police spéciale des voleurs, division dirigée par Jean Henry. De la prison, il dénonce les mauvais coups en préparation. En 1812 on lui confie la Brigade de la Sûreté, dédiée aux vols, meurtres, assassinats, prostitution, viols mais également escroqueries et faux. Une sacrée promotion pour un truand ! Ses méthodes à la limite de la légalité, son équipe constituée d’anciens malfrats, lui valent comme l’on s’en doute de solides inimitiés mais ses succès sont incontestables. Victime d’une intrigue, il est tout de même renvoyé en 1827. Il prend la tête d’une officine de renseignements, qui préfigure les agences de détective. Le roi des brigands et l’ex-patron des policiers utilise une fois encore le travestissement pour filer les femmes adultères et confondre les employés indélicats comme les mauvais payeurs.

Il écrit également ses mémoires, arrivé à l’âge de cinquante-deux ans. Elles rencontrent un vif succès. Il faut dire que les histoires de meurtres et de police secrète passionnent les lecteurs. Précisons tout de même qu’elles sont un peu arrangées à son avantage. Il renoue avec le monde du spectacle à Londres, où il se produit sur scène, racontant sa vie digne d’un roman. Vidocq ouvre également un petit musée « criminel » exposant menottes, armes, mini-guillotine et plein d’autres objets insolites. L’ancien bagnard devenu policier inspire les romanciers. C’est lui qui se cache sous les traits du bagnard Jean Vautrin créé par Balzac dans « Le père Goriot » et dans « Splendeurs et misères des courtisanes ». Il est également Jean Valjean dans les « Misérables » de Victor Hugo.

Vidocq, après avoir gouté à la lumière et au succès, termine sa vie dans une modeste chambre meublée boulevard du Temple à Paris. Il meurt en 1857, quasi oublié, à l’âge de quatre-vingt-un ans.

Qui était-il vraiment ?

Pour l’historien et journaliste Xavier Mauduit il n’était ni un horrible malfrat, ni le respectable représentant de la force publique. Il était un peu des deux. Il était Vidocq, personnage à nul autre pareil.