On a vendu la tour Eiffel (ou presque) !

La tour Eiffel, monument incontournable de Paris, ne passe pas inaperçue avec ses 330 mètres de haut (antenne comprise), 125 mètres de largeur et ses 10 100 tonnes. Construite en deux ans par Gustave Eiffel et ses collaborateurs pour l’Exposition universelle de Paris de 1889 – célébrant le centenaire de la Révolution française – elle n’a pas toujours suscité que de l’enthousiasme comme on va le voir.

Dessiné et gravé par Marie-Noëlle Goffin – 1982

Ainsi, avant même la fin de sa construction, elle est critiquée par quelques grands noms des arts et des lettres. Maupassant dira : « Cette haute et maigre pyramide d’échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes, et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d’usine ». La Tour rencontre toutefois un succès populaire durant l’Exposition universelle avec deux millions de visiteurs.

Après l’Exposition universelle, on s’interroge sur son devenir car la concession signée à la société Eiffel prend fin, la ville de Paris devant assurer l’entretien. Un journal que lit le futur « vendeur » de la Tour évoque le gouffre financier pour ce « tas de ferraille » qui doit être démoli. Cette information intéresse au plus haut point un dénommé Victor Lustig, tranquillement installé dans une suite du palace parisien Le Crillon, situé place de la Concorde que l’on aperçoit sur la gauche du timbre.

Dessiné et gravé par René Cottet et mis en page par Sylvie Patte et Tanguy Besset – 2016

Nous sommes en 1925 et ce dernier s’exclame « Je vais vendre la tour Eiffel, et ça ne fera aucun scandale ! » devant Monsieur Dante, dit Dandy, un arnaqueur aux petits bras mais au talent certain, qui deviendra son fidèle complice. Lustig qui se fait désormais appeler le conte Victor Lustig est né le 4 janvier 1890 dans une petite ville de l’actuelle République tchèque. S’il ne brille pas par son assiduité à l’école, il maîtrise, une fois jeune homme, pas moins de cinq langues dont l’anglais et le français. Mais ce n’est pas tout, c’est un charmeur, un fin psychologue et porte beau, des « qualités » pour devenir un escroc de haut vol. Il s’essaye aux jeux de cartes où il plume en trichant ses adversaires fortunés sur des bateaux transatlantiques se constituant un joli pactole. Cela ne lui suffit pas, il veut faire un gros coup et ce sera la tour Eiffel. Puisque certains veulent s’en débarrasser, il la vendra à un ferrailleur parisien.

Avec le Dandy, il fabrique de faux papiers, se fait passer pour un haut fonctionnaire chargé de vendre la Tour et ses tonnes d’acier. Les deux compères adressent du courrier à cinq ferrailleurs de la capitale. La lettre révèle que la Ville de Paris a décidé de se séparer du monument par souci d’économie. Les acheteurs potentiels se présentent au Crillon et Lustig fait monter les enchères. Malin, il repère parmi eux monsieur Poisson qui semble être la bonne cible. Lustig le revoit en tête à tête et lui fait comprendre qu’il est mal payé mais qu’il peut lui attribuer le marché moyennant une commission. Cette demande de dessous de table convainc Poisson qui mord à l’hameçon, oserait-on dire. L’affaire est conclue, Lustig reçoit l’argent. Il s’éloigne de Paris puis s’étonne que la presse ne parle pas de cette escroquerie de grande ampleur. Monsieur Poisson n’a pas porté plainte par peur du ridicule. Lustig décide donc de « revendre » à nouveau la tour Eiffel mais le nouvel intéressé se montre méfiant. Lustig décide de prendre la fuite. Il repart aux Etats-Unis et poursuit ses malversations en tentant notamment d’arnaquer Al Capone, un des plus grands gangsters américains. Au total il sera arrêté quarante-sept fois sans être condamné. Mais la quarante-huitième fois – la filouterie de trop – il est passé sous les verrous à la prison d’Alcatraz. Lustig parvient à s’échapper avant d’être rattrapé. Celui qui avait « vendu » la tour Eiffel meurt en prison le 9 mars 1947 d’une pneumonie. Quant à notre monument il n’a pas été détruit et accueille aujourd’hui près de sept millions de visiteurs par an.

Les timbres qui lui sont dédiés sont très appréciés des collectionneurs français et étrangers.