Contrairement à que l’on pourrait penser, ce monument n’est pas français mais égyptien et date du treizième siècle avant Jésus-Christ ! duquel s’agit-il ?
L’obélisque de la Concorde. En voici l’incroyable histoire car l’acheminer jusque dans la capitale n’a pas été une mince affaire.
Dessiné et gravé par René Cottet et mis en page par Sylvie Patte et Tanguy Besset
Elle débute en 1829, lorsque le vice-roi d’Égypte Méhémet-Ali propose de faire don à la France de deux obélisques d’Alexandrie. L’égyptologue Jean-François Champollion dont nous avons déjà parlé n’est pas convaincu. Il pense plutôt aux obélisques de Louxor et le suggère au gouvernement français. Ces deux monuments ont été édifiés sous le règne de Ramsès II. Le gouvernement égyptien finit par accepter mais il reste à les acheminer sur place car Louxor est situé à quelques 700 kilomètres de l’embouchure du Nil. On ne transportera finalement qu’un seul obélisque et on va vite comprendre pourquoi.
On décide de construire à Toulon un navire pour transporter l’obélisque, ce sera le Luxor. Le bateau part pour l’Egypte en avril 1831 avec à son bord, cent vingt et un passagers et plusieurs tonnes de matériel. Le bateau arrive à destination en août et les ennuis commencent. Une épidémie de choléra sévit ; quant à l’obélisque, il présente une fissure de huit mètres. Deux cents hommes descendent le monolithe (un seul bloc de pierre) qui est ensuite amené non sans mal jusqu’au Luxor. Il faut attendre quelques mois la crue du Nil pour procéder à l’appareillage et une fois arrivé à l’embouchure, patienter afin que le niveau de la mer soit satisfaisant. Le navire est finalement remorqué par un autre et prend la mer le 1er avril 1833, soit deux ans après son départ de Toulon. Il arrive dans ce port le 10 mai et, après une quarantaine, repart direction Cherbourg qu’il atteint le 12 août. Après la visite du roi Louis-Philippe, le bateau repart et acheminer l’obélisque sur la Seine ne sera pas non plus une mince affaire. Le 23 décembre 1833, deux ans et huit mois après son départ de Toulon, le Luxor est enfin amarré au pont de la Concorde à Paris. Reste à savoir où l’ériger car la polémique fait rage. Certains penchent pour la place de la Bastille, d’autres pour le Louvre, d’autres encore pour le pont Neuf, au milieu de la Seine… Finalement, le nouveau roi Louis-Philippe 1er, dans un souci d’apaisement, tranche en faveur de la place de la Concorde où « il ne rappellera aucun événement politique ». N’oublions pas que c’est sur cette place que le roi Louis XVI fut exécuté et qu’autrefois le lieu se nommait place de la Révolution.
Le 25 octobre 1836 près de deux cent mille Parisiens sont présents pour assister à l’érection du monument. A 11 h 30 l’ingénieur Apollinaire Lebas donne l’ordre de procéder à la manœuvre. Il reste volontairement sous le monument ; il ne doit pas survivre en cas de rupture de l’appareil ! Vers midi, le succès semblant assuré le roi Louis-Philippe, le prince et les personnalités conviées apparaissent au balcon de l’hôtel de la Marine. Aux alentours de 14 h 30, l’obélisque repose sur son piédestal, le drapeau national est fièrement hissé au sommet du monolithe sous un tonnerre d’applaudissements.
C’est la fin de notre histoire qui aura duré sept ans et un parcours pour l’obélisque de près de 9 000 kilomètres. Les difficultés de l’opération dissuadèrent les Français d’aller chercher également le second obélisque. Il a été officiellement « restitué » à l’Egypte en 1981. Celui qui figure sur la place de la Concorde mesure 22 mètres de haut et pèse 220 tonnes.