Dessiné et gravé par Pierre Béquet – 1979
Nous sommes en septembre 1870, la France est en guerre, les armées allemandes encerclent Paris. Dans la capitale coupée du monde, se pose rapidement la question de savoir comment adresser ou recevoir du courrier. Les pigeons voyageurs rendent bien quelques services tout comme les ballons dont nous avons déjà parlé en janvier de l’année dernière https://www.decouvrirletimbre.com/anecdote/facteurs-de-lextreme/.
Toutefois si les sacs postaux peuvent quitter Paris, il est en revanche impossible que des plis puissent y entrer. Or les habitants ont besoin de recevoir du courrier pour avoir des nouvelles, notamment de leurs proches qui sont en province. En temps de guerre, le courrier est bon pour le moral.
Un dénommé Robert est reçu par le général Trochu, chef militaire de Paris. Il fait, avec son ami Delort et leur associé Vonoven, une proposition ingénieuse pour transporter le courrier. L’idée est de le placer dans une sphère creuse hermétique en métal que l’on jettera dans la Seine en amont de Paris. Elle sera récupérée par un filet, une fois parvenue dans la capitale. Ce que l’on va appeler les boules de Moulins seront dotées de douze lames qui faciliteront leur avancement. La boule est lestée afin que son poids ne dépasse que d’un milligramme celui de l’eau. Ainsi elle coulera mais ne pèsera pas grand-chose une fois arrivée au fond. Le courant l’emportera jusqu’à Paris où elle sera arrêtée.
Un premier test est réalisé dans la Bièvre (un petit affluent de la Seine) et cela fonctionne ! Le 1er décembre, une petite embarcation remonte aussi en amont que le permettent les avant-postes prussiens et largue la boule. Le lendemain matin, elle est bien réceptionnée ! Malheureusement, ce sera la seule.
Le courrier est entreposé à Moulins dans l’Allier, d’où le nom donné aux boules.
Dessiné et gravé par Marie-Noëlle Goffin – 2012
C’est dans cette ville que Delort les remplit de courrier, tandis qu’à Paris Vonoven relève son filet. Quant à Robert, il accomplit au péril de sa vie des allers et retours entre l’Allier et les bords de Seine, au plus près de Paris, où il met à l’eau les fameuses boules. Il continuera jusqu’au 1er février, date de la fin du siège. Au total cinquante-cinq boules de Moulins contenant 40 000 lettres auraient été ainsi immergées. Aucune ne parvint à destination. La distance entre les lieux de largage et la capitale est un élément d’explication, les intempéries et le froid constituent un autre facteur qui explique cet échec. De gros glaçons emportèrent tout sur la Seine dont le filet. Un bon mois après la fin du siège une première boule est retrouvée aux Andelys dans l’Eure, très en aval de Paris. D’autres seront repêchées entre mai 1871 et avril 1882. Il reste aujourd’hui une vingtaine de boules de Moulins envasées dans la Seine et probablement aussi en mer comme celle retrouvée à Saint-Malo.
Alors durant vos vacances, faites donc la chasse aux boules mais il faut savoir qu’en cas de découverte, il faudrait la restituer car nos petites carcasses métalliques sont à présent classées Patrimoine national. Dommage car elles valent cher ; ainsi une lettre provenant d’une boule de Moulins, trouvée à Quillebeuf (Eure) le 26 mars 1871, s’est récemment vendue 12 000 euros. Quand on sait que chaque sphère contient entre 500 et 600 lettres (ne dépassant pas les 4 grammes), il y a de quoi avoir des boules dans la gorge de ne pas pouvoir les revendre.